Ca fait déjà 5 mois et demi, mieux vaut tard que jamais !
En ces temps humides et froids, voici enfin fini mon CR.
CR MiL’KiL 2020 – V1 (2020-11-29)
Voici un récit autour de cette nouvelle participation et cette nouvelle aventure. Récit pas forcément très structuré, mêlant anecdotes et sentiments, relatant les longues semaines de préparation, l’organisation, et cette folle semaine de course que nous avons vécue, à deux.
Le projet
C’est ma 4e participation sur la MiL’KiL. Les 3 précédents passages m’ont appris beaucoup :
2014 : J’abandonne sur blessure au km 576 après avoir souffert 300 km durant, d’une ampoule qui a dégénéré.
2015 : Je prends ma revanche, et finis assez bien, en 7j 22h 23 min 52s.
2018 : Je remets le couvert et souffre des pieds et des genoux, mauvaise gestion des chaussures, et finis en 8j 8h 9 min, en tentant de rattraper Dominique Bunel qui établira un nouveau record en 7j 20h 47 min.
C’est donc une alternance d’années qui se passent mal et d’années qui se passent bien, comme si après une année réussie je néglige certains aspects, et après une édition de souffrance je soigne la préparation et suis déterminé à prendre ma revanche.
Cette année 2020 est donc une année de revanche après celle de 2018 que j’ai mal gérée. Je connais beaucoup mieux les erreurs à ne pas commettre, tant mécaniques que logistiques ou alimentaires, sportives. J’intègre les difficultés et particularités de cette course et du parcours.
Et j’ai la motivation pour y arriver. S’il y a bien une chose que j’ai comprise pendant mes 25 ans de courses longue distance, c’est l’importance du mental.
En 1995, j’admettais mal le dicton « L’Ultra, c’est 80 % de mental et 20 % dans les jambes », je trouvais cela bien exagéré (tant j’avais mal aux jambes !).
Maintenant, je suis de plus en plus d’accord avec sa version parodiée « L’Ultra c’est 80 % de mental et 20 % dans la tête ».
En effet, si la volonté est là, l’entraînement, la préparation, la course, tout va être préparé pour la réussite.
La dernière MiL’KiL ?
JB, le chef d’orchestre de cette grande balade, nous met la pression en annonçant que c’est la dernière édition sur ce parcours mythique, dernière occasion de partir de la Manche pour rejoindre la Méditerranée, mais aussi… de reprendre le record de Dominique BUNEL.
Je consulte très rarement Facebook, mais pour le coup, je lis tous les matins les nouvelles publications de JB sur sa page, qui donnent une envie incroyable d’y aller. Chaque jour une présentation détaillée d’un concurrent, chaque jour une belle histoire de course longue.
Donc cette année, pas d’hésitation, je sais que je veux faire cette course, et la faire au mieux.
Comme pour les autres fois, j’ai plusieurs objectifs :
Le plus ambitieux d’entre eux était de passer sous les 7 jours, et, au passage, de passer sous les 3 jours au 500 km.
J’avais fait 3j 4h 39 min sur les 500km de la Mi’MiL en 2019, et là je me dis que je profiterais bien de l’événement pour passer cette barre des 3 jours sur 500 bornes. Me resterait ensuite à faire les 500 dernières en 4 jours, et ainsi passer sous les 7.
Autre objectif, reprendre le record, mais là, cela ne dépend pas que de moi, les autres concurrents sont là, et le plateau est relevé.
Enfin et plus simplement, je veux donner le meilleur de moi-même et ne pas finir trop fracassé.
J’ai compris au fil des années que pour réussir cette course, il faut un savant mélange des qualités suivantes :
- Pouvoir courir des heures à une certaine allure sans aucun essoufflement, et sans fatigue ressentie (dans mon cas environ 10 km/h)
- Pouvoir dormir peu, ou plutôt en d’autres termes : récupérer très vite lors des courtes pauses sommeil, et rester assez efficace malgré cette dette de sommeil (dans mon cas environ 3 à 4 heures par nuit)
- Savoir vivre avec des petites blessures et savoir les soigner vite et dans la durée
- Anticiper, gérer, limiter, soigner les ampoules, toutes les ampoules, les petites, les grosses, les répétitives, les passagères, les invisibles, les fines, les épaisses, les sournoises qui font mal alors qu’elles n’existaient pas. Bref un point essentiel, et que je peux encore améliorer.
- Se protéger du soleil, du froid et du chaud
- Être déterminé
- Pouvoir manger, bouffer, et manger encore après
- Ne jamais perdre de temps
- Ne pas se tromper de parcours (là j’ai encore un peu de progrès à faire)
- Avoir un suiveur à l’écoute, assistant ni trop ni trop peu, anticipant ce que le coureur n’a pas anticipé, ayant le même objectif que lui.
Les autres années sur la MiL’KiL, c’étaient des copains de course qui m’avaient suivi/supporté/assisté, en fourgon ou en camping-car.
Mais cette année, et à l’identique de l’année dernière 2019 sur la Mi’MiL, c’est à deux, Sophie mon épouse et moi, que nous allons traverser la France.
Et comme l’année dernière, on veut faire simple (et efficace), en voiture, et en réservant des chambres d’hôtes ou des hôtels en cours de route suivant l’avancement. Une différence quand même, on a troqué la Volkswagen Polo pour une Peugeot 5008.
Notre organisation restera la même, Sophie assurera ses nuits complètes sous un toit, et je m’organiserai la nuit en emportant ce qu’il me faudra dans un sac à dos. Et à l’exception de la première nuit que je passe entièrement sur la route, je dormirai dans un vrai lit, pas longtemps, mais profondément.
La préparation
Ma préparation va commencer en janvier.
Mon premier plan : perdre 4 kg en 4 mois, pour arriver à ce que j’estime mon poids de forme à 59.5 kg, que je n’avais plus atteint depuis 2003 (mon année Spart’).
Perdre du poids, c’est alléger les jambes, c’est aussi stimuler le fonctionnement de la lipolyse permettant d’avancer même quand l’estomac est en vrac.
4 kg en moins, c’est aussi 5 ou 6 kg de gras en moins, car avec l’entrainement, je sais que je vais prendre des kg de muscle. C’est donc un plan assez ambitieux que je n’avais pas mené depuis bien longtemps.
Un plan à caser entre la famille, et le travail.
Et un plan à caser dans un contexte qui va vite devenir compliqué avec l’épidémie de coronavirus.
Par un heureux hasard, je m’équipe en février d’un tapis de course. Passant de belles vacances à la montagne début février, un tapis de course était à disposition des locataires. Je m’y essaie, et y trouve un intérêt certain. Surtout qu’à ce moment, il pleuvait tous les jours, et je revenais transi de froid à chaque entrainement nocturne.
A notre retour, je commande un tapis d’assez bonne facture, que je reçois assez vite. Je commence de nombreuses séances dessus, sans pluie !
Quelques semaines plus tard, et l’interdiction de sortir avec le confinement, je me rends compte de la chance que j’ai de pouvoir tartiner sans rendre de compte à personne.
Je ne m’estime pas non plus « confiné ». Je deviens le seul à devoir aller au bureau (les autres en télétravail), je profite de cela pour y aller … en courant, soit 10 bornes aller, et 10 bornes retour. A cela j’ajoute l’heure autorisée en tant que coureur, j’ai déjà 30 bornes par jour « dehors ».
Côté entrainement, j’augmente progressivement mon kilométrage, environ 30 km par jour en mars et avril, 35 km par jour en mai. Rarement cette distance d’un coup, mais plutôt cumulée dans la journée, en fonction de mes disponibilités. Et plus j’en fais et moins c’est difficile. Début juin, j’accumule 40 km tous les jours, je cours comme je marche, pas très vite (9.5 à 10.5 km/h), mais sans réelle fatigue. Mentalement je me suis conditionné en « Mode piéton » et tout transport motorisé est comme anormal.
Pour faciliter ma perte de poids, je ne prends plus de petit-déjeuner, ou juste un fruit et un café. Le midi des épinards pour commencer. Par contre le soir, je suis moins restrictif. Et la bière n’est jamais loin. Avec tout ça, je maigris comme prévu, j’atteins mon objectif de 59.5 kg début juin.
Mais que cette période aura été difficile personnellement.
Au mois de mars, j’ai l’oreille interne, qui gère l’équilibre, qui se fait attaquer par un virus. Vertiges terribles les premiers jours, et l’impression d’un tremblement de terre en courant, les 2 à 3 semaines qui ont suivi. On me dit que ça va se remettre tout seul, mais je crains d’avoir encore des vertiges le 14 juin, jour du départ. (Début juin je n’aurai plus que quelques traces en tournant la tête rapidement).
En avril, la CoViD 19 qui emporte mon père, si vite, si brutalement. Tout la suite sera bien différente. Chaque action me renvoie à des souvenirs. Je pense à lui, lui qui allait toujours de l’avant, au bout des choses sans jamais se renier. Il m’avait suivi en vélo lors de mon premier 100 km à Cléder en 1995.
Cette saloperie de CoViD, on ne parle que de ça. On ne sait toujours pas, à un mois du départ, si la course aura lieu à la date prévue, ou décalée, ou même pire, si on aura la liberté de traverser tous les départements.
Du coup, pas vraiment de plan concernant notre organisation. Qui me suivra ? Rien encore de prévu, je préfère déjà savoir si cette fichue limitation de déplacement au-delà de 100 km va sauter.
JB gère au mieux cette inconnue. Il n’annule rien, élabore juste des plans B, calmement.
Début mai, quelques espoirs, on se dit que par miracle, on va apprendre qu’on aura le droit de circuler librement début juin ?
Et BINGO !!!, ce 28 mai on apprend que la limitation des 100 km sera levée le 2 juin !
Quelle libération d’apprendre que nous pourrons bien partir ce 14 juin.
Je me dis que j’aurai fait l’une des dernières courses pré-confinement (les 100 km de la Patat’Off à Vesoul) et l’une des premières post-confinement.
Après tous ces événements, l’envie, la volonté, la détermination sont au maximum.
Derniers Préparatifs
Nous voici fin mai, et maintenant que la course est confirmée, il va falloir organiser toute la logistique au plus vite.
Je prépare toutes mes boites plastiques que j’empile à la maison, prêtes à partir :
- 1 boite pour les soins (pansements, NOK, crème solaire, stick à lèvre, désinfectants, bandes de compression, pansements hydrocolloïdes, etc.)
- 1 boite pour les bricolages de chaussure (agrafeuse, cutters, pinces coupantes, ciseaux, etc.)
- 3 boites de Coca et boisson Décathlon
- 3 boites de barres de céréales et autres alimentation rapide
- 1 boite « optique » (lentilles de contact, 3 paires de lunettes de soleil, lampes frontales et clignotants rouges)
- 1 boite technique avec tous les chargeurs et batteries portables
- 1 boite de chaussettes et sous-vêtements non frottant
- 1 boite t-shirt adaptés, des coupe-vent et autres gilets jaunes
- 4 paires de running, et des dizaines de semelles qui pourront me servir pour des ajustements
- 1 boites de sac à dos légers et Camelbak pour la nuit (2 en tout)
- 1 boite « popote » avec le réchaud, les assiettes et les couverts
- Des sacs d’alimentation
- Des packs de St-Yorre
- La table pliante et les tabourets
- La glacière électrique
- Les sacs de couchage en cas de besoin
Ce sont de très bons moments, de préparer tout cela, se projeter dans ce qui va arriver. Sophie participe et organise aussi tous les à-côtés, faire garder toute la petite famille, la logistique.
La veille du départ
Ce samedi 13 juin, nous partons pour Rennes déposer nos enfants chez leur grand-mère, et prenons la route pour St-Malo.
Arrivés sur le parking de l’hôtel Ibis, nous retrouvons tous les habitués, plus revus depuis l’an passé. Chacun a le sourire, échange, rigole. Je me dis qu’on rigolera moins dès demain.
Dominique Bunel, recordman de l’épreuve est là pour nous rencontrer. Nous échangeons avec plaisir.
Et tout le monde parle MiL’KiL, quoi de plus étonnant.
Sophie et moi avons réservé, pour cette dernière nuit calme, un très bel hôtel à 200 mètres du départ.
Nous passons une très belle soirée, balade sur la plage, sur les quais, crêpes et coucher de soleil. On passe du bon temps, mais j’ai beaucoup d’appréhension. Je sais que dans quelques heures je serai dedans, et que je ne m’arrêterai pas. Même pendant les arrêts sommeil je resterai concentré, déterminé.
J’espère alors ne pas avoir de blessure trop pénalisantes, ni trop douloureuses. Et supporter de passer des journées de 20 ou 21 heures sur la route. La barre est plus haute que les autres fois où je me fixais des journées de 19 heures. Ça va être long, très long.
J’espère aussi que Sophie ne regrettera pas cette semaine à venir.
Toutes ces inquiétudes et un départ dans quelques heures, vivement qu’on y aille.
Je me refais dans la tête le programme des 2 premiers jours : je compte partir relativement rapidement, comme l’an dernier sur la Mi’MiL. J’avais couru d’une traite jusqu’au km 335, en y arrivant vers 0h30 le lundi soir. Bien sûr j’y arrive assez fatigué, mais ça me lance sur la course. Et je ne le paie pas trop les jours suivants. Peut-être aurais-je la même efficacité kilométrique en partant plus doucement, mais j’en doute. Et puis c’est toujours la même certitude pour moi : en partant doucement je finis doucement. Alors qu’en partant vite, soit je suis en forme et alors c’est un bon chrono au bout, soit je ne suis pas bien et alors je n’ai qu’à ralentir. Mais les km faits au début ne sont jamais perdus.
Donc ici, programme similaire, faire 42 heures d’affilée, et arriver vers minuit le lundi soir, au moins au km 325, et idéalement à Châtellerault au km 354. Je me dis que ces 300 premiers km sont plus faciles que ceux de la Mi’MiL et que c’est faisable.
On éteint la lumière relativement tôt, je dors bien.